La création travestie
Traditionnellement, dans la Bible de Jérusalem, une semaine de six jours est nécessaire à Dieu pour créer le monde, à chaque jour correspondant un sixième de la Création. Plus schématiquement encore, on peut distinguer deux temps.
Le premier, qui s’étend sur les quatre jours initiaux, est consacré à une œuvre de séparation : Dieu sépare la lumière des ténèbres, le ciel de la mer, la mer de la terre, puis le jour de la nuit. Le second temps, qui s’étend sur les cinquième et sixième jours, est consacré à une œuvre de rassemblement : Dieu rassemble dans la mer tous les êtres vivants qui grouillent dans les eaux, dans le ciel tous les oiseaux qui volent contre le firmament, et sur la terre tous les bestiaux, les bestioles et les bêtes sauvages qui, comme les poissons et les oiseaux, seront dominés par l’ultime créature de Dieu, faite à son image, couronnement de la Création : l’homme.
Il convient ici de parler du jour suivant car, voyons, une semaine judéo-chrétienne ne comporte pas six jours, mais sept.
Ce septième jour est bien embarrassant puisque, habituellement, on le justifie par la prétendue fatigue de Dieu : en effet, qui n’a jamais entendu dire que le créateur s’était reposé ce jour-là ? Quelle énormité ! Comment ? Dieu, qui est tout puissant, aurait eu besoin d’une journée pour récupérer ? Et pourquoi pas de congés payés ? Non. Si, dans un regain d’Humanisme, on a la curiosité de se référer à la Bible-même, pour éviter le recours au prisme déformant de l’enseignant ou de l’émission télévisée à but pédagogique, on lira, non pas que Dieu au septième jour se repose, mais qu’il chôme. Il chôme. Il glandouille, il ne branle rien, si vous préférez. Pas parce qu’il est épuisé, mais parce que le septième jour, il décide de ne rien faire. Tout simplement. Quel mal y a-t-il à cela ? Dieu ne peut-il s’autoriser quelque chose que l’homme ne se refuse jamais à la moindre occasion ?
Mais, justement, revenons à l’homme.
Dieu, qui se passionnait pour la poterie, les modelages en pâte à sel et autres loisirs créatifs, modela l’homme (Adam en hébreux) avec de la glaise du sol. Pour faire de lui un être vivant, il lui insuffla dans les narines son haleine ; heureusement, à cette époque, Dieu n’était pas alcoolique.
Ensuite, il créa un merveilleux parc d’attractions pour y faire vivre Adam : il y avait des manèges, des labyrinthes en miroirs, des stands de tir à la carabine à plombs, des animaux (des vrais, pas des costumes avec des SMICards à l’intérieur) et, en son milieu, l’arbre de la connaissance du bien et du mal - c’est-à-dire un bête pommier si l’on en croit les artistes peintres classiques.
Dieu dit à Adam : « Tu peux becter tous les fruits des arbres du parc. Mais t’as pas intérêt à toucher à mon pommier, sinon t’vas voir ta gueule ! »
Puis il pensa : « Je me ferais bien un barbecue, moi. » Alors il fit tomber une torpeur sur Adam, qui s’endormit - ce fut en quelque sorte la première anesthésie de l’histoire de l’humanité. Le Saigneur prit une des côtes du dormeur en salivant, et referma la chair. La côte lui sembla bien maigre, et il décida, faute de mieux, de se rabattre sur un cochon qui passait par là. Ne sachant plus que faire de la côte d’Adam, il en multiplia les cellules et la transforma en un second homme qui tiendrait lieu de compagnon à Adam - ce fut en quelque sorte le premier clone de l’histoire de l’humanité.
En le voyant, Adam s’écria : « Tu t’appelleras Evain, du verbe « haya » qui signifie « vivre », car je sens que tu es un bon vivant et qu’on va bien se marrer tous les deux ! » Dès lors les deux hommes, nus, passèrent leurs jours et leurs nuits à baiser, à s’amuser et à se goinfrer - souvent les trois en même temps.
Tout allait pour le mieux, c’était le paradis, lorsque le serpent, le plus rusé des animaux que Dieu avait créés, dit à Evain : « Alors, comme ça Dieu a dit que vous ne deviez pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance ? Quel rat ! En fait, il veut tout garder pour lui. » Furieux d’entendre parler ainsi de son maître, Evain se jeta sur le serpent et lui arracha les pattes en criant : « Connard ! Je vais te faire marcher sur le ventre, tu vas bouffer de la terre ! »
Adam qui assistait à toute la scène entendit, avec terreur, le pas de Dieu qui se promenait dans le parc pour profiter de la brise matinale.
En voyant Evain, les pattes du serpent à la main, Dieu déçu s’écria : « Tu quoque, fili ! » (Toi aussi, mon fils, pour les non-latinistes). Evain lui dit : « C’est le serpent qui a commencé ». Alors, Dieu trancha les parties intimes d’Evain et lui dit : « Parce que tu m’as défié en faisant justice toi-même, je te condamne à être une femme, Eve ! Votre petite tranquillité, à Adam et à toi, est finie : vous ne pourrez plus faire l’amour sans engendrer d’autres humains ».
À Adam, Dieu dit : « Parce que tu as laissé Evain mutiler une de mes créatures, je te condamne au travail : pour trouver subsistance tu devras prendre le métro tous les jours et faire des heures supplémentaires pour ne pas être viré. Tu seras si stressé qu’à trente ans tu auras des pellicules, à quarante ans tu ne banderas plus, et à cinquante ans tu crèveras d’un infarctus du myocarde ».
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