Pandore, la femme de la Barbe Bleue et mes certitudes
Selon moi, il n'est rien de plus aliénant que les certitudes. Avoir des certitudes, c'est tout simplement renoncer à réfléchir, refuser de se remettre en question, et, donc, de progresser. Hélas ! il est humain d'avoir des convictions, et si l'on veut avancer, il faut sans cesse oser les affronter, et accepter les conséquences de leur éventuel effondrement.
Aujourd'hui, mon psy (ma timidité naturelle m'empêche d'ajouter -chiatre) a ébranlé deux de mes certitudes. Voici de quoi il s'agit.
1) Mon psychiatre me demande si je connais le mythe de la boîte de Pandore. Je lui réponds que oui. Comme ce n'est peut-être pas votre cas, et que je n'ai aucune envie de perdre mes lecteurs avant la fin de cet article, en voici un rapide résumé.
Dans la mythologie grecque, Zeus veut se venger des hommes (parce que le Titan Prométhée a volé le feu pour eux). Il crée donc la femme avec l'aide de son épouse, Héra, et de certains de ses enfants, dont Aphrodite qui lui donne la beauté. Ensuite, le roi de l'Olympe la donne en mariage à Épiméthée, frère de Prométhée. Avant de la laisser partir, Zeus confie à cette première femme, nommée Pandore, une boîte mystérieuse, en lui donnant l'ordre impérieux de ne jamais l'ouvrir. Une fois auprès de son époux, Pandore ne peut pas résister à la tentation de regarder ce qu'il y a à l'intérieur et entrouvre la boîte, libérant ainsi sur la Terre les pires maux que Zeus y avait enfermés (vieillesse, maladie, famine, etc.)
Mon interprétation : depuis que je connais ce mythe, j'ai toujours considéré que Pandore était LE MAL, car elle désobéit à Zeus, qui est son créateur, pour satisfaire sa curiosité.
Ce qu'en pense mon psychiatre : Pandore n'est qu'une victime. Zeus, qui est tourmenteur, lui a donné cette boîte dans le seul but qu'elle l'ouvre. Elle ne trahit donc pas sa confiance, et, au contraire, acquiert son indépendance, sa liberté par rapport à celui qui l'a créée, en ouvrant cette boîte. J'ai fait remarquer au bon médecin qu'en faisant cela, elle permettait aux maux de se répandre parmi les hommes. Il m'a répondu que la vie était ainsi faite, qu'elle n'existe pas sans malheur : Pandore n'aurait fait que créer le monde qui est le nôtre et ce que nous sommes, c’était inévitable...
2) Mon psychiatre me demande ensuite mon
avis à propos de Barbe Bleue et de son épouse. Pour ceux qui penseraient que
Perrault se prénomme Vincent et qu'il travaille sur RTL, voici un bref
récapitulatif qui vous permettra de vous coucher plus cultivés ce soir.
La Barbe Bleue est un conte de Charles Perrault (XVIIème siècle) qui raconte l'histoire d'un homme, surnommé la Barbe Bleue en raison de sa barbe noire (aux reflets bleus, bah oui), qui tue ses épouses successives. Notre histoire commence peu après son mariage avec l'une de ses jeunes voisines. Il doit partir en voyage et confie le trousseau des clefs du château à sa nouvelle femme à laquelle il rappelle qu'elle peut aller partout où il lui plaira, à l'exception de la seule pièce qui lui soit interdite. La suite est facile à deviner : elle ne résiste pas, ouvre la porte prohibée... et découvre les cadavres des précédentes épouses égorgées. Elle aimerait cacher sa découverte à son mari, mais voilà : la clef est désormais tachée de sang, de façon indélébile !
Mon interprétation : certes, la Barbe Bleue est un criminel, mais sa nouvelle épouse est elle aussi coupable. Coupable d'avoir trahi la confiance de son mari en allant dans la seule pièce où elle avait promis de ne pas se rendre. Coupable de ne pas avoir tenu parole !
Ce qu'en pense mon psy(chiatre) : en devenant
criminel, la Barbe Bleue a perdu la légitimité d'exiger la confiance d'autrui.
Lui désobéir, c'est refuser d'être complice de ses crimes. J'ai fait remarquer
au bon docteur qu'avant d'ouvrir la porte, la femme ignore que son époux a
commis des crimes. Il m'a répondu que les crimes demeureraient toujours
inconnus et impunis si tout le monde faisait ce que les assassins désirent et
attendent.
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